Si la ligne est pure et le regard profond, l’entreprise séduit, s’impose pour ainsi dire à l’artiste. Mais si le modèle est un défi, si sa chevelure est rousse et hirsute, si les yeux sont vides et trop bleus, compensant mal des lèvres trop rouges ; si la tête en se penchant n’évoque pas la tendresse et n’incline pas l’axe des yeux ; si la face est plaquée au mur et trop maquillée comme ces faces de cirque, que peut y voir le peintre hors ce qu’il veut y mettre ?
Sans doute le port altier, le visage ovale presque oblong, l’oeil noyé dans son propre bleu et qui noie mon regard lorsque j’y plonge, sans doute n’étaient-ils pas vraiment étrangers au modèle.
Mais ne faut-il pas y voir l’œuvre rédemptrice, chirurgicale presque, de l’éternel Pygmalion qui nie les défauts de la créature élue quand il la pose au chevalet, et qu’il impose à une poupée sans grâce cette aristocratie qu’il ne porte qu’en lui-même, et cette finesse qui n’est que la sienne ?
Elle porte deux boucles d’oreilles, elles seules discrètes : princesse foraine, elle ne porte pas d’autres bijoux de la couronne.
Princesse tout de même.
L’auteur ne certifie nullement que ce texte soit de lui : il l’a retrouvé dans ses notes prises dans les années 60 durant une formation à l’écoute du professeur Michelin, émérite de la Sorbonne, et follement attachant.
Lors d’une séance devenue atelier d’écriture, ce texte fut soit présenté, soit composé dans l’instant. Sa facture, son sujet et surtout sa « chute » invitent l’auteur à le reconnaître pour sien, mais toute personne pouvant identifier une autre « paternité » sera vraiment remerciée.
©Pierre Guérande
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