VISUEL : Manuscrit : Une rature féconde
Au feu de la forge, le poète façonne ses métaphores.
Chantez rêves éveillés où murmure une voix qui vient de loin, d’une terre incarnée aux mille visages.
Dansez lanternes vénitiennes au bal des quintil et sonnet.
Impatient, le stylo plonge dans l’encrier ; quelques gouttes d’encre étoilent la page blanche, puis la plume se ressaisit et glisse toute en harmonie.
Sans cesse, il faut essayer de nouveaux accords, ouvrir de nouvelles fenêtres, essayer les vers syllabiques sans rime de six ou huit pieds pour, au final, se rapprocher de l’allure, du chant originel.
Esperluette et guillemet sont aux aguets, tandis que l’allegro fringant du i chevauche vallons et collines.
Voluptueuse mise en scène où le temps est gorgé de couleurs sur la lumineuse hampe d’une rime.
Vague après vague, l’encrier déverse amples consonnes et riantes voyelles, quand, sur l’échancrure de la marge, arrive une rature féconde.
Gemme au cœur d’une rime, un poème vient de naître :
Les syllabes du vent
Magicien du levant
Un fringant soleil
Eveillait la roche millénaire
Lentement
J’avançais dans le vent
Quand
Sur la révérence d’une digitale
L’incarnat se mit à chanter
De-ci de-là
Un air cristallin
Festoyait sur les hautes futaies
Une danse câline
S’invitait au frisson des frondaisons
Refuge d’un bestiaire vivant
Enluminé des syllabes du vent.
©Roland Souchon
www.rolandsouchon.com
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