S’aimer à la lisière d’un échiquier, dans les interstices des ombres transparentes, là où se tissent légendes, chimères et mirages.
Chimères, chimères
Dans le vagabondage de mes songes, je suis captive de tes erreurs couleur de sauge, de mangue et de tubéreuse.
Chimères vénéneuses, venin et ambroisie, bois, je retiens la pulpe de tes lèvre. A fleur de sel marin, sur une diagonale folle, elles sont d’impérieux géographes quant aux sentes à suivre et savent où se poser. Mais le sel fond si vite sur les lèvres d’un explorateur…
Mirage, mirage, je te retiens à marée haute, à marée basse, sur le blanc sur le noir, dans les ressacs de l’utopie, ne te retourne pas, tu n’es pas prêt, tu es au-delà des légendes, celles que l’on croque comme des pierres.
Chimères, chimères, je t’ai aimé à t’en rendre fou, à t’en rendre sage, sirènes et elfes confondus. Nous avons fait l’amour comme les éclairs dans l’orage, comme les feuilles sous le vent, comme deux radeaux en perdition sous le regard de Méduse, comme des fantômes dans le lit d’un torrent, comme des feux de brousse, comme l’encens qui étouffe le jasmin, comme des cernes bleus autour d’un cri.
Mirage, mirage, nous sommes aimés dans le sang des nuits rouges, dans les rumeurs possessives des racines, sur des sentes non tracées, dans les ailes d’une libellule, sur la lisière de l’échiquier, oubliant à l’horizon l’échec et mat.
Tu étais un roi, j’ai fait de toi mon fou, mon fou de Bassan, mon ravi, mon délirant. J’en avais croisé des silencieux, des émerveillés, certains en perdaient la tête mais avaient du cœur, d’autres l’inverse; toi tu étais mon mirage et nous nattions des ronces sur des seuils crépusculaires, dans des draps de suie.
Je t’ai fait hurler jusqu’à mordre la cendre, jusqu’à oublier ton nom, jusqu’à ramper dans l’ardence des flammes que je tisonnais, jusqu’à perdre ta diagonale, jusqu’à perdre ta tête.
Chimères, chimères, pour une Arabie sans parfum, un miroir sans visage, silence muselé. Jeu car c’était un jeu et nous ne le savions pas. L’éphémère coule, mufle contre le vent, dans la vibration de ta voix, Je sens encore, dans ma crinière d’étoiles, tes lèvres qui errent sur la résille de ma peau, arpèges, soubresauts, mirages.
Chimère, chimères, la nuit tressaille, les cases se brouillent, tu as la tête à l’envers, tu ne me vois plus. Le silence joue avec l’attente, jeu perdu, le noir et blanc s’entrecroisent, les diagonales s’échappent des lisières. Plus rien, impair noir et passe, tout était écrit, nous étions trop près de l’irréalisable, échec et mat.
Mirages, mirages nous n’avons plus de rêves mais nous repoussons encore le pré des Asphodèles.
Chimères, chimères, tes sens délirent et tes mots butent à cloche-pied, la folie rit derrière son masque, tu es devenu mon Styx, mes ténèbres, ma barque sans retour.
Mirages, mirages, les échos s’enfuient, les énigmes s’enroulent dans l’insolence des songes, tu dérives dans des traces sans légendes, tu hurles dans ta nuit charbonneuse.
Les liqueurs de ton corps sont taries, je ne suis plus la reine, mais, peut-être ailleurs, la Gravida, la Belle ferronnière ou Lilith, jalousie, jalousie.
Il te reste juste la blessure de la source, laisse- là couler, tu y trouveras les chimères de la solitude. Écume sur la brisure de l’aube aux soies d’épines. Écoute, les spectres traînent leurs crécelles, un jour de plus, un jour de moins dans la légende d’un amour perdu.
©Nicole Hardouin
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