Illustration proposée par l’auteur.
Un petit caillou blanc s’est égaré dans l’escalier d’un vieil immeuble parisien.
Échu, désorienté, entre troisième et quatrième.
Blotti dans le fourrage d’un paillasson brosse-poils de chien
Il gisait esseulé, rue Linné dans le cinquième.
Un caillou sans papiers, balloté par un godillot
Pressé d’atteindre sa garçonnière, un Roméo
La chambre d’une Juliette, nymphette à brodequins
D’une Colombine, chaussons satins.
Maintenu par le manche d’une poigne matrone
Un balai effrangé fera choir l’étranger vers la bouche d’une pelle
À ordures gloutonne
Le ventre avide d’une poubelle.
Bien triste destinée, pour qui fut cœur de pierre
Que de passer poussière
Pour s’en aller sombrer dans un champ de gravas, pas même un cimetière.
Une main habillée saisit le fourvoyé
Le glisse dans une poche, dévale l’escalier
Ouvre la porte sur la rue
Traverse l’avenue
Le pose dans un parterre de fleurs repiquées.
Te revoici dans ton jardin, signent les doigts gantés.
Méfie-toi de la botte : celle du jardinier !
Heureux tout simplement de retrouver les siens
Le caillou se trémousse, il salue les ramiers
Ses amies les souris, les fourmis et les chiens.
Puis l’index d’ajouter :
Et merci pour ma plume de t’être fourvoyé entre troisième et quatrième
Car ce soir c’est à toi que je dois ce poème.
©Serge Lascar
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