Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
29 juin 2023 4 29 /06 /juin /2023 06:40

France Libris 2023
                                 
 

                
 
        Parce qu’il en est des souvenirs comme des plantes, il faut les   nourrir, en prendre soin pour qu’ils soient vivaces. R. Badinter


Dans ce recueil commençant par un bel oxymore l’auteur, lorsque le feu vendange la nuit, déroule ses souvenirs avec délicatesse, dans des détours d’encre et de lumière.


Les racines de ce texte viennent spontanément sous la plume superbement poétique de Jeanne Champel Grenier, sans cesse elle s’en nourrit, elles passent comme un vol à l’horizon, ce sont souvent des cils d’étoiles sur une larme rentrée, un ourlet décousu sur une cicatrice mais l’empreinte est là omniprésente sur la poudre irisée de la fuite du temps, c’est un soupir au bas d’une page, une enluminure dans ses pensées, le miroir n’est pas brisé, un rien le fait briller, brillance, pivot d’une vie, escapade dans l’autrefois : une poêlée de girolles persillées me ressuscite immanquablement ce pays sobre, mon pays sauvage et nourricier.


Les échos du temps abondent, émouvants, ils se glissent dans les failles du soir et remontent lentement de la nuit je suis de ce pays qui accueillit l’exode d’une partie de l’Espagne…. Et avec un rythme répété, elle revient sur les ombres mendiantes qui accourent depuis ses contrées qu’elle a tant aimées : je suis d’un pays fier qui subit l’invasion de mille nomades, j’entends par vent du sud, à deux pas de chez moi, ce chant des profundis qui s’élève le soir et vaut bien des ave, mots qui touchent, bouleversent et qu’est-ce qu’un mot ? Peut-être une barque dans une mantille de nuit, pour notre auteur, c’est une forêt avec une clairière aux yeux de biche où elle aime vagabonder pour le plaisir du lecteur, des braises dans la chaleur de la cendre du temps, sans cesse elles les ravivent, des étoiles sur la page de la vie.


Ses souvenirs sont tour à tour drôles et réalistes : en ce temps-là, il ne venait à personne l’ idée d’aller au bois pour le plaisir de s’y promener ,il ne s’agissait pas d’une promenade bucolique mais d’une sortie vitale ! et là, la poétesse enchaîne sur sa grand-mère, la belle Inès, pensées émouvantes, notre grand-mère c’était la glaneuse antique, mi-paysanne, mi-chamane, mais nous avons survécu à toutes ses mixtures ! ce sont des songes de givre sur des lames de lumière, des cascades d’émotion qui font revivre, l’auteur charge ses souvenirs sur sa barque et nous les fait partager. Et avec tendresse elle revient sur Inès qui travaille sans cesse à réparer la société. Appuyée sur sa vie trouée de mille ports / où dansent les voiliers/ la voilà qui s’endort/ Elle a vieilli si vite Inès, la belle Inès…


Et bien évidemment les gitanes sont présentes, avec leurs yeux noirs qui bougent/pleins de secrets troublants, les tireuses de bonne aventure présentes, colorées :Elle a deviné ton destin…sur ta main elle a soufflé/ et elle t’a dit:/ J’ai chassé le djnoun /va en paix ! Notre poétesse est l’orante d’une ample liturgie, et elle sait très bien que nous n’habitons que le refleurissement de nos cendres, et parfois les larmes ont froid mais personne ne le montre


On la sent fébrile, prête à danser lorsqu’elle évoque « Flam and Co, » c’est une rage intérieure/qui vient sacrer l’esthétique/ de la vie devant la mort.


Dans sa postface, l’auteure a cette phrase qui donne à réfléchir ; cette belle différence qui ne devrait pas exclure la fraternité.


Nous sommes faits pour être touchés et, lire l’auteure de ce superbe recueil, c’est faire éclater un miroir contre la nuit, c’est trouver un abri contre l’orage du temps, c’est aussi se remettre en question, mais nous sommes toujours porteurs d’une indélébile amputation.


Nous laissons au lecteur le plaisir de découvrir tous les textes de « Racines vagabondes » et notamment les descriptions des villes comme Grenade, les textes dédiés aux absents se préparer à l’absence/ pour regagner le primitif silence, tous ceux consacrés aux peuplades errantes ils n’avaient pas faim / ni de pain, ni de rien / juste de liberté.


Jeanne Campel Grenier sait admirablement quérir le feu d’hier pour le porter jusqu’à l’incandescence, elle en vit et nous en nourrit. Le jour relève ses filets, dans un vibrato ému la vie tend sa corbeille, au lecteur de puiser dedans.


 Il est à noter  que ce recueil est illustré par des dessins de l’auteur.

©Nicole Hardouin      
 
 
 

 


 
Voir en fin de page d'accueil du blog, la protection des droits

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Couleurs Poésies 2
  • : Ce blog est dédié à la poésie actuelle, aux poètes connus ou inconnus et vivants.
  • Contact

  • jdor
  • Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...
  • Amoureux de l'écriture, poésie, romans, théâtre, articles politiques et de réflexions... Amoureux encore de la beauté de tant de femmes, malgré l'âge qui avance, la santé qui décline, leurs sourires ensoleillent mes jours...

Recherche