Introduction de Michel Bénard
La poésie a un certain don d’ubiquité, elle se dédouble, devient multiforme, elle s’invite, s’infiltre un peu partout, elle trouve même une place privilégiée dans les milieux carcéraux où sa signification réelle a sans doute beaucoup plus raisons qu’ailleurs, d’ampleur également car ici elle libère un cri trop souvent refoulé, en vue sans doute de retrouver une place dans la société. Puisse-telle relever la tête, reprendre confiance et croire encore en l’espoir.
Michel Bénard.
Ce poème d’un détenu que nous nommerons A.D a reçu l’autorisation d’être publié, par l’administration pénitentiaire et son accompagnant, au terme de nombreuses démarches,
J’appelle
J’appelle à plein regard la fureur d’une larme
sur la joue de l’enfant
qui va mourir de faim…
J’appelle à pleins poumons le silence des mots
de ces hommes marchant
le mensonge à la main…
J’appelle à plein espoir le miracle de paix
que le choc des mitrailles
occulte au creux des jours.
J’appelle à plein délire mes rêves de bonheur
que le vouloir humain
brise dans mes tourments.
J’appelle à plein amour la grâce souveraine
qui fait de toi la reine
aux heures de désespoir…
J’appelle à plein coeur un unique sourire
sur le visage hideux
de la foule en délire…
J’appelle le monde de ma lèvre meurtrie
afin qu’on entende ma prière,
ultime soubresaut…
J’appelle pour toucher la sensibilité du monde
mais le monde
me dit tais-toi…
©AD
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