Poète et peintre, membre de la Société des Poètes Français et de plusieurs autres sociétés d’art, Éliane Hurtado laisse ses dons naturels s’unir dans la création de ses œuvres. Le recueil d’Éliane Hurtado, Sous le bleu des Nymphéas , paru aux Éditions les Poètes français, Paris, 2019, nous dévoile un monde vu par l’œil d’un peintre, à travers la sensibilité d’un poète.
La nature est réceptée comme étant pleine de couleur et de lumière : „Le soleil joue avec le fleuve, / Il morcelle sa surface / De mille pépites d’or et d’argent / Scintillantes au gré du vent.” La vision est surtout picturale, l’or et l’argent de ce tableau suggèrent la sacralité de la nature. On perçoit une infusion de cosmique, les êtres remplissent leur destinée sous la bénédiction de la lumière divine: „ L’araignée tisse sa toile, / Merveille de la nature et des mathématiques, / ( ... ) Fil d’Alençon qui brode cette dentelle / Où l’astre solaire en passant / Sèchent les goutes de rosée / Encore accrochées à l’oeuvre”. ( La nature )
Dans le poème „Nymphéas” Éliane Hurtado souligne cette ambivalence de sa vision: „C’est là que le poète prend ses sources d’espoir / Et que le peintre sent surgir en lui / Le tableau qu’il va réaliser ”
En effet, la poète cherche dans la nature l’âme cachée de celle-ci, c’est ici la particularité et la profondeur de la poésie d’ Éliane Hurtado: „La fraîcheur du petit matin / Auprès de cette pièce d’eau / En fait revivre l’âme qui s’était assoupie.” Le titre „Nymphéas” donné à la poésie d’où est tirée la citation d’en haut indique le fait que la poète symbolise par ces nymphéas les âmes des éléments de la nature, qui lui se révèlent. De plus, tout le recueil est mis sous ce signe, car son titre, souligne le thème de la révélation des âmes de la nature, intégrées dans la grande âme cosmique.
La révélation de ces nymphéas est présentée dans plusieurs poèmes, comme, par exemple, „Faisceaux de lune ”: „ Quelques faisceaux de lune / Illuminent l’écrin / Où dorment les nymphéas / Auprès de libellules.” Le sentiment du mystère s’impose par rapport à la nature, à ces nymphéas : „ Les chemins végétaux / Tressent des labyrinthes / Comme celui du minotaure / Où le mystère s’ajoute. ”
Pour Éliane Hurtado la nature a toujours quelque chose de magique, même le désert. Elle se montre attirée par par toutes les beautés mystérieuses, intangibles de la nature . : „Rose des sables, / Trésor de gypse cristallisé / Façonné par l’errance des caravanes, / Coquillage au coeur de fleur, / Jamais nous ne te verrons dans un bouquet.” (Rose des sables )
Un parallélisme d’une classicité parfaite entre l’âme de la nature et l’âme poétique de l’auteure devient aussi un exemple distingué de métaphorisation : „ Un insolite nimbus rayait l’horizon / J’y voyais danseurs et séraphins / Sautant en ribambelle. // J’attendais le soleil / J’attendais ton retour / J’étais sur un nuage / Mais il sombra bien vite / En larmes cristallines.” (Nimbus).
Les tableaux de nature représentent le point-forte de cette poète-peintre, ils étant ravivés par la promission de l’amour, la plus puissante énergie de l’univers: „ Dans ma nuit / Aux confins des continents habités, / La lune / Et sa traîne étoilée / S’est baignée / Dans l’azur de tes yeux, / Comme une apothéose / En bout d’ombre et de brume. ” ( Apothéose )
La présence du sacré dans le monde des humains semble être normale: „Brusquement les bruits de la ville se sont atténués / Un ange vient de secouer le duvet de ses ailes / Il neige sur Paris.” ( La neige). Nous avons ici une méditation sur la beauté qui dépend de notre perception et qui est rapidement engloutie par le temps qui l’a laissée seulement s’entrevoir: „La nuit descend doucement sur ce décor / Qui aura peut-être demain disparu.”
Éliane Hurtado suggère la nature divine de la beauté par une citation de Michel Ange : „J’ai vu un ange dans le marbre et j’ai seulement ciselé jusqu’à l’en libérer”.
La poète exprime sa conviction poétique dans le pouvoir de la lumière de chasser le mal de la terre: „J’aimerais que ce rayon solaire / Fasse le tour de la terre / Pour apporter Paix et Amour / Partout où il se poserait”. (Rayon de soleil). Elle perçoit partout la présence ou le reflet du célèste: „Ces larmes célèstes aux reflets nacrés” (Gouttes d’eau).
La perception du célèste transfigure tous les tableaux perçus par Éliane Hurtado: „Le croissant de lune doucement s’efface / Devant le soleil naissant / Éclairant le dôme céleste. / Un précieux parfum de sérénité / S’étend sur les dernières poussières cendrées / De la nuit.”
Pour la poète-peintre la couleur devient une force primaire qui participe à la création du monde: „ La vie n’est que le reflet des couleurs / Qui lui sont données.” ( Une main mystérieuse ).
Elle souligne toujours notre participation à l’éternité, à l’intemporel, sous la bénédiction de la lumière : „Intemporel instant / Déposant sur nos destinés / L’écume scintillante des gouttes de lumière. // Lorsque le chant du vent / Accompagne cette symphonie, / C’est une apothéose sidérale / Qui illumine ce fragment d’éternité.” (Lieu de solitude).
Éliane Hurtado affirme elle-même sa double vision, de poète et de peintre, par rapport au monde: „ Ce curieux ballet / Où mots et couleurs / S’enlancent amoureusement. ” (Fleur )
Et: „ J’ai besoin de soleil, de chaleur, / Alors je peins des couleurs, des couleurs, / Et du ciel bleu sans nuages, / Un bleu providentiel aux reflets moirés.” C’est seulement la lumière „Qui pourrait effacer / Ces longues heures mornes et sinistres” du présent, de sa mémoire : „ Je me suis habillée d’un manteau de lumière / Et je plonge mon regard au loin, / Derrière le miroir céleste / Pour découvrir un monde magique / Doux et accueillant ”. (Méditation d’été).
Cherchant le reflet de l’éternité caché dans chaque élément de la nature, la poète trouve le symbole du baobab, l’arbre millénaire, qui peut vivre aussi dans la désert: „Souffle mystique d’un monde silencieux et illusoire, / Précieux parfum de sérénité / Qui laisse au voyageur / Dans cette mouvance incertaine / Une illusion de plénitude et d’errance éblouie.// Jamais nous ne sommes seuls / En terre désertique / Un arbre magnifique, fragment d’éternité/ Y a poussé.” ( Le baobab )
Le monde imaginé par le créateur poète et peintre doit unir la terre, l’eau avec le ciel, c'est-à-dire l’humain et le sacré : „Ma main dessine dans l’espace / Une ligne d’horizon / Faite de mots et de signes. / L’eau et le ciel se confondent / La ligne de flottaison se perd, / Les mots ont besoin d’une pause / Pour passer de l’autre côté / De l’univers bleu.” ( L’encre). En même temps, la poète affirme qu’elle est la création de son semblable, l’homme qui croît aux étoiles: „Vous m’avez ouvert le chemin merveilleux / De la création, / De la vision du monde intérieur / Dans ce miroir de lumière // Alors vous, l’homme aux semelles de vent / Qui semez des étoiles / Et des perles de rosée / Vous m’avez élevée.” ( Pygmalion ).
Elle exprime la conviction que seule la création miroir de l’intemporel durera et restera: „ Satisfait, il contempla la dome céleste / Où la voie lactée était venue s’inviter. / Ce souffle cosmique intemporel / Réveilla en lui l’horloge du temps, Puits de nos mémoires et de nos incertitudes. // Ce passeur d’expérance et de rêve / Glissa doucement sur le fil de l’éphémère.” ( Passeur d’espérance ). Le pouvoir d’entrevoir les essences est donné au créateur d’art par les mondes célestes: „Il allume une à une / Les étoiles du firmament, / Puis passe de l’autre côté du miroir / Là où l’arc-en-ciel lui fait un clin d’oeil, / L’astre solaire le salue, / La lune lui tire sa révérence.” ( Ailleurs).
Éliane Hurtado pointe par sa méditation les couleurs et les mots, qui composent en effet notre monde réel et celui des oeuvres créés: „ Tu jubiles déjà à voir apparaître / Les tendres couleurs pastel du matin / Le miroitement sur l’eau / Voilà, ton tableau est presque composé ! ” ( Etretat) et „Les mots sont les passeurs de l’âme ” ( Les mots). Elle avoue explicitement le fondement méditatif de ses poèmes: „Assise sur l’étoile des vents / Je contemple l’univers. ” ( Destin).
L’imaginaire qui donne la possibilité d’écouter la musique des anges, est aussi un terrain fertile pour le poète et le peintre : „Ils sont partis / Chercher un peu d’espérance, / Faire le vide, / Se suspendre au néant de l’instant, / Écouter la parole du vent/ Et la musique des anges. // ( ... ) Ils ont voulu // Ouvrir la porte de l’imaginaire / Pour voir le ciel mystique / Derrière l’arc-en-ciel ”. ( Les volets ).
La poète reconnaît dans l’amour la loi fondamentalle de l’univers, et l’amour des humain est un reflet de cet amour cosmique: „Je vous caresserai / Tel un rayon de lune / Jusqu’à la nuit des temps / de mon corps, de mon âme / Avec tant de passion / Que mes lèvres sèmeront / À vos pierds / D’indolents baisers / Festonnés de lumière / Et de fragments d’éternité, / Où le rêve évanescent , / Laissera place à l’aube frileuse / Jusqu’à transmettre / la résonnance universelle de l’amour.” ( Trace d’amour). Le chant d’amour de la poète devient un hymne à l’amour: „ Tu m’as accueilli dans un monde magique / où le moindre frisson / devient un écrin de lumière / Où l’écriture est une calligraphie enluminée / Faite de signes ignorés fragiles et secrets. // Main dans la main / Nous traverserons les galaxies / Jusqu’à l’autel de l’amour. ” ( Bras ouverts ).
On rencontre la référence poétique au mythe de l’androgyne, l’être séparé par Zeus en deux moitiés qui depuis ce moment-là se recherchent incessamment jusqu’au moment de la rencontre, pour refaire l’unité originaire: „ Quand nos chemins se sont croisés / Vous m’avez reconnue. / J’étais au fond de vos souvenirs / Comme une présence connue. / ( ... ) / Je vous cherchais / Depuis des millions d’années, / J’attendais que nos routes se croisent, / Déjà je vous connaissais / Vous étiez auréolé d’étoiles. ” (Croisement)
Les poèmes d’ Éliane Hurtado, essentialisés, d’une concentration maximale, semblent avoir une limpidité princière, qui révèle toute leur profondeur.