Editions Traversées, Belgique, ISBN : 9782931077047, 128 p., 2022
Recension de Jeanne Champel Grenier
Très beau livre de format carré 21/21dont l'élégante et sobre couverture au ton de sable brun présente en son centre une jaillissante et moderne création nommée ''composition'' (huile sur toile 80/80) de Jean-Pierre Moulin.
Au seuil du livre, un émouvant liminaire rédigé par l'auteur. Rapide mais précis itinéraire de l'écriture depuis les préhistoires si adhérentes aux empreintes, jusqu'à nos jours où la personnalité se perd, se dilue dans l'abstraction la plus dénuée d'humanité.
Tout poète, confronté aux affres du monde, ressent ce besoin de retour sur soi afin de convoquer les possibles forces positives de l'univers. La beauté de la nature nous y incite :
Tiens ! Voici la première abeille du matin
Qui va gouter son pollen
Dans le dictionnaire d'un million de fleurs...
Le monde se perd-il dans les dédales d'aspirations contraires et souvent néfastes, avec le danger de déshumanisation totale à brève échéance ? L'œil du poète nous rassure quant à ses facultés de cerner la beauté d'un instant céleste :
Opulence ( p 7)
Pour tout étendard
ces moires de lumière
Partage ( p 9)
ici prospèrent des turbulences
qu'un vent ponce et cisèle
en vitales déraisons...
et se comblent nos failles
où s'effrangent les agonies
de solitudes à tâtons
Néanmoins, nulle leçon, nulle débauche de sagesse fictive de la part d'un poète qui a ''fait ses preuves'' en sa vie d'honnête homme de sciences et de lettres, mais une simple constatation qui appelle à la modestie : ( p 11) car même si
le vent de l'âge....pourchasse la cendre des souvenirs
tapis au coin de mon âtre...il dépouille aussi ma carcasse d'inutiles rancœurs...
Et de plus, si selon les cohortes de Cassandre, le monde court à sa perte, l'auteur garde le cap que lui dictent ses sens premiers. Oui, le poète, le peintre, tout comme le chamane, gardent le sens de l'appel à témoigner d'une vie créative toujours située ''sur les franges de l'essentiel'' qui demeurent visibles, vivantes, pour celui qui sait voir:
Créer ( p 20)
Traduire une page blanche
qui crie sa virginité
se rebellant à mes lignes
pour d'ardentes fiançailles...
Ce livre ''SUR LES FRANGES DE L'ESSENTIEL'' dans son entier, s'éloigne diamétralement des rythmes et proses compassées dont nous sommes noyés. Claude Luezior saisit d'emblée la ''substantifique moelle'' de l'expression poétique ; on est ''sur les franges'', certes, mais dans des ''franges'' vraies, terriblement originales en poésie. En témoignent les 128 pages de ce livre où s'épanouissent les poèmes d'amour : Coquillage, Flibuste, p.70, Rupture...
Je t'ouvrirai
dans les reflets
d'un ressac
tel un coquillage sacré
où luit la nacre
de tous les désirs
Tous sont de véritables morceaux d'anthologie, sachant qu'il faudrait pour créer cette nouvelle anthologie convoquer l'essentiel des grands poètes de notre temps, sous une aurore boréale.
© Jeanne CHAMPEL GRENIER
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