Histoires Courtes
Préface de JEAN-PAUL GAVARD PERRET
Éditions
À mon amie Béatrice Rolando
L’escalier qui mène vers le haut
PRÉFACE
Traversée des temps, armoiries de l’amour
Nicole Hardouin invente une suite de « terres » à la fois sentinelle et hors limite. La langue classique et impeccable relève la tête tout en osant la guillotine. L’auteure, pirate autant que châtelaine, sous prétexte de contes qui appellent une langue roide, la tord comme elle travestit le genre mais sans la moindre ostentation. L’humour est là, l’érotisme ne manque pas (euphémisme). Mais tout en retenu - du moins tant que faire se peut. Dans sa folie douce chaque fiction sort d’un lit de sagesse. Les syllabes sont en émoi et si elles ne ramèneront pas dans cette couche elles créent un vrai plaisir pour les sybarites. Ils ne peuvent que se laisser troubler par Nicole Hardouin, ses dialogues ironiques, ses histoires troubles, ses temps disparates et de mystérieux paysages. Le bleu de leur horizon ne s’éloigne pas lorsqu’on le touche. Il demeure même lorsque fond la lumière du soir. La poétesse la retient jusque dans l’échancrure de la nuit. Elle devient un oiseau parmi les ombres appesanties et les personnages. Certains y traquent l’espoir en papillons du soir tandis que l’acier électrique des libellules-femmes troublent des amants de passage.
La subtilité est omniprésente : des mots sont en avance et d’autres en retard : bizarrement ils sont toujours à l’heure. Mais jamais la même heure. Les contes multiplient des racines pas forcément carrées mais pour des extases imprévues dans le plaisir de la lecture. Nul ne sait si par son délice chaque texte finit par arranger le monde mais les choses y font leurs affaires entre gourmandise et lumière.
Il y a rien de comparable dans la littérature du temps. Entre humour et détachement, gravité et allégresse particulier les « éclopés du rêve » sont des êtres debout. Qu’importe les rendez-vous ratés et les fuites. Nicole Hardouin secoue l’indifférence. Qu’importe si pour ses personnages le futur sera toujours provisoire. Entre émergence et effacement, entre cheminement linéaire et torsions temporelles l’auteure feint de réintégrer un ordre dans le désordre. Par sa drôlerie tendre, elle isole encore plus l’isolé et nourrit l’air qu’il respire de ses illusions.
Raison et folie font la jonction entre ce qui est et ce qui n’est pas, le réel et l’allégorique. La créatrice reste la sourcière armée de la seule arme essentielle, travaillée et retravaillée : son langage. De la boue des temps il extrait des parcelles d’or et, des arpents du ciel, le bleu cyan. Selon une dynamique onirique et littérale chaque fable donne du monde son jour imprévisible.
Jean-Paul GAVARD PERRET
Extraits de LES ÉCLOPÉS DU RÊVE – Nicole Hardouin
LIMINAIRE
Contes que les djinns se chuchotent dans nuits froides du désert lorsque s’endorment les gerboises et s’éveillent les serpents ceux qui vont debout comme à l’origine.
Histoires comme s’en racontent les fous qui n’en sont pas, les diables, les gitanes et les poètes, les soirs de pleine lune en croquant les interdits sur les bords des débords.
Éclats de vie qui paraissent sans liens ni raison, dans des tremblements de temps. Ils ont pourtant tous la même semence : l’espoir. Mais, éparpillées par le vent, les choses ont leur propre destin.
Elles germent en tous lieux sous diverses formes. Elles s’égarent, s’ensouchent selon leur fantaisie, s’incrustent, boursouflent terre, caillasse, désirs, corps pour éclater de façon éruptive jamais comme on le pense et là où on le croit.
Mais elles ont un point commun ces histoires qui n’en sont pas, elles sont toutes cernées par les cicatrices du rêve dont la fumée revint souvent comme un songe de vent.
Ne sommes-nous pas tous des éclopés du rêve ?