Éd. Alcyone, collection Surya, 63 p., 2021
ISBN: 978-2-37405-085-0
Condensé pour ossuaire de solitude, accords mineurs, ce recueil distille une sève noire issue du fond de l'être. La respiration du rythme tient lieu de ponctuation, des plages immaculées donnent leur oxygène à la phrase, une majuscule relance le propos à chaque page : tessons de lumière, voix blanches presque aphones, magique fluidité, bienheureuse poésie en jachère...
Un filament de lymphe
entaille le ciel
certains le nomment
nuage
en vérité
il n'est que souvenance
de l'imparfait de la pluie
À contre-lumière, à la frontière, à l'entre-deux, dans des espaces inachevés, aux limes de l'aurore, l'infini est fragment. Pourtant, le poète est en belle cohérence, celle du rêve, celle d'une lueur incertaine, diffractée, d'une indicible douceur... sur un vélin d'absence.
Bien que les images tirent leurs racines dans la calligraphie de l'eau, de la glèbe et du feu, on est aux limites du figuratif, dans une sorte d'abstraction qui se suffit à elle-même :
lentes torsades
où affleurent les cendres
d'une genèse
élégie du feu
parole accrue de chair
palpite
dans l'étreinte des pierres
quelles flammes là jetées
Poète-funambule de haute lice, Jean-Louis BERNARD joue avec le langage à l'extrême limite de son sens, quitte à nous prêter une manière d'apnée où convulsent les mots. Ivresse des profondeurs où se côtoient les sombres rayons d'un Jean de la Croix et le noir-lumière d'un Soulages.
Un bémol, à propos du fort beau texte en quatrième de couverture où l'auteur évoque ces personnages. Y jouent à la marelle des caractères lilliputiens. Diantre, est-ce une éloge à la microscopie ou un complot de mon lunettier ?
Rouvrir les feuillets, une fois encore, est une vraie récompense :
Liturgie d'un regard
sur l'île submergée
par l'émeute des nuages (...)
océan songe
terre abyssale
de secrets
où se mirent les nuits
de tous les millénaires
nos estuaires inaccessibles
lui font allégeance
auraient voulu dompter
la migration des sources
Alcool de la poésie, vertige des mots !
©Claude Luezior
Voir en fin de page d'accueil du blog, la protection des droits