Depuis mon arrivée sur la terre, il s’est passé des milliers de millions d’années, et j’ai vu apparaître et disparaître des créatures tellement fantastiques que tu n’en croirais pas tes yeux. J’ai fusionné avec toutes ces bêtes et toutes les plantes, et de chacune, j’ai conservé la mémoire : leurs expériences, leurs sensations, leurs émotions. Je ne suis peut-être qu’une petite goutte d’eau, mais je me souviens de tout. Ha, je me souviens de ce jour où un puma est venu boire ce torrent d’eau pure qui dévalait les Andes... C’était moi ! A l’intérieur de son corps je me suis sentie sauvage et puissante. Voler avec les oiseaux, c’est quelque chose de merveilleux, c’est encore plus excitant que de tomber du ciel. Avec les aigles, on peut planer très haut.
Puis, un beau jour, est apparu un animal fort étrange, et bien différent des autres. Au sujet de celui-ci, il y aurait beaucoup à dire. Mais je n’aime pas trop parler et je ne suis pas sûre d’avoir bien compris cet animal là. Il marche sur deux pattes, comme les poulets, mais ne ressemble guère à un poulet. Il est capable d’accomplir les choses les plus extraordinaires mais la plupart du temps, il se comporte de façon plutôt stupide. Ça me dépasse complètement. Pourtant ce n’est pas faute d’avoir essayé de le comprendre, du dehors et du dedans... Ils se nomment eux-mêmes « humains ». Car c’est leur grande manie : inventer des noms pour chaque chose. Des mots, ils en ont tellement inventés, qu’on se demande comment ils peuvent encore retrouver toutes les choses qui sont rangées dessous.
Depuis leur arrivée, ils ont sali à peu près tout. Ça, je ne pourrai jamais le comprendre. Par leur faute, me voilà obligée de nager dans des rivières polluées. C’est un peu dégoutant, mais moi, Gotita, je reste toujours pure, même quand la rivière est sale. Ils ont même réussi à salir le ciel et les nuages ! Ils feraient mieux de faire comme moi : se laisser porter par la rivière. Enfin, ils changeront... Quant à moi, j’ai tout mon temps.
Parfois, j’en rencontre qui sont si tristes, si épuisés de se battre pour rien et de lutter contre eux-mêmes. J’entre alors dans leur corps, j’en ressors sous la forme d’une larme en emportant avec moi un peu de leur peine.
© Leafar Izen
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