Cette appartenance même à la collection « Terre humaine » de Malaurie devait bientôt faire bondir maints contradicteurs, dont le plus virulent, Xavier Grall, étalera ses reproches au long d’un « droit de réponse » qu’il s’arrogera sous le titre « le Cheval couché » : « la civilisation bretonne est-elle réellement morte au point qu’on dût lui ériger ce monumental tombeau ? » (Le cheval couché, p. 45).
Mais revenons au premier ouvrage et à son auteur Pierre Jakez Helias. Le succès de son « Cheval d’orgueil » se concrétisera par des millions d’exemplaires vendus et près de vingt traductions de par le monde. Tardivement, la presse escortera ce qui s’impose dès lors comme une évidence éclatante au départ d’un récit autobiographique et ethnologique : c’est que la langue en est imagée et savoureuse et sent bon la communion avec la terre et, Bretagne oblige, la mer. Et c’est vrai que ses histoires ont un charme fou !
Un certain art de vivre surgit en outre de ces pages dont l’auteur dira, bien plus tard : « je trouve que la société dans laquelle j’ai vécu avait atteint un degré de civilisation considérable ». En même temps, le trop heureux élu de ces choix populaires écrira : « Je ne suis fier de rien. Mon plaisir c’est d’écrire, de mettre au point quelque chose que je sens en moi. Je le fais de mon mieux. Je me fais plaisir avant tout. Je suis un égoïste ». Il conclura encore, plusieurs années plus tard, la suite de son autobiographie sous le titre « le Quêteur de mémoire » (1990), par cette affirmation : « Je me sens parfaitement bilingue et biculturé, doublement acclimaté ». Il rejoint en somme son grand devancier qu’est Anatole Le Braz (1859-1926) qui lutta pour des cours publics de breton et présida l’Union régionaliste bretonne, et qui temporisait ses élans en concédant : « Le Breton que je suis doit trop à la France ». Il anticipe en somme un courant d’idées plus récent, comme celui d’Amin Maalouf, qu’il eût sans doute adoré quand il affirme : « je n’ai pas plusieurs identités, je n’en ai qu’une, faite de tous les éléments qui l’ont façonnée, selon un « dosage particulier qui n’est jamais le même d’une personne à l’autre ».
©Pierre Guérande
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