Moi l’orage
Montagnes comme vagues sur la mer
Mon lac dans ma forêt
Ma forêt dans mon lac
Ma cabane dans ma forêt
Mon lit dans ma cabane
Et moi dans mon sac
Dans le sac de moi-même
N’existent plus les chaînes
N’existe plus la peine
Je ne sens plus rien
Mais l’opaque silence
Puis tu éclates
Immense
Énorme
Envahissant
Alourdi du tonnerre
De noirs et d’éclairs
De grêle aussi bruyante
Que cent mille crécelles
Pour me prendre ma vie
Orage de cette nuit
Tes bruits sont tant si grands
Que plus rien je n’entends
Et je suis devenue
Ce que je n’entends plus
Je suis l’eau de la pluie
Je suis le vent,
Je suis le tonnerre
Je suis la clameur
Et j’ai peur
De moi-même
Marcelle Tesssier-Lebarbé
Recueil 2013
ECHARPE AMIS 2021 Marcelle Tessier Lebarbé Présentation
Née en janvier 1929 à Rockland, petite ville ontarienne sur les rives de l’Outaouais, Marcelle Tessier est la huitième d’une famille de neuf enfants survivants. Rapidement, la famille s’installe à Ottawa où son père fait de petits métiers pour nourrir femme et enfants. Le milieu est humble, mais non sans culture.
Les racines d’un talent
Le père, Adélard, fera l’écrivain public*. Pour des clients du petit restaurant-épicerie qu’il tenait, il a écrit des lettres destinées aux soldats basés ailleurs au Canada ou dans le monde pendant la Seconde Guerre mondiale.
Rudel, frère aîné et seul garçon de la famille, est déjà journaliste quand Marcelle est encore une enfant. Les histoires et les visites de gens connus se succèdent à la maison.
Grâce à Rudel devenu soutien de famille après la mort du père Tessier en 1945, Marcelle et sa sœur Paule fréquentent l’École des Beaux-Arts de Montréal.
* Le talent de communicateur d’Adélard Tessier se perpétuera du reste dans sa descendance. Parmi ses enfants, petits-enfants, arrières-petits-enfants et conjoints de ceux-ci, on trouve : journalistes, rédacteurs, réalisateurs, dessi-natrice de costume, photographes, directeur de plateau, auteurs de mots-croisés, libraires, typographe, éditeurs, webmestre, illustrateur, publicitaire... et une poète.
Poésies
Pendant ses études, dessinant joliment, Marcelle illustre quelques livres. Elle publie aussi des caricatures dans des journaux populaires.
Cette carrière naissante cesse en 1950 quand Rudel propose à Marcelle et Paule de l’accompagner en France. C’est que Rudel appartient maintenant au milieu intellectuel de Montréal, et il est normal pour les membres de cette communauté d’aller séjourner quelque temps au pays des ancêtres.
Ce sera un séjour de douze mois dans le Paris d’après-guerre, celui de Saint-Germain-des-Prés, des existentialistes et des artistes de la chanson qu’elle aura l’occasion de croiser (de Félix Leclerc aux Compagnons de la chanson, d’Édith Piaf à Juliette Gréco).
Marcelle rentre au Canada en mars 1951. Sur le navire, il y a des immigrants, certains sont français ; parmi eux se trou-vent les Lebarbé, et parmi les Lebarbé, Gaston* (de CARHAIX 29)
.
De fil en aiguille, Marcelle et Gaston se marient en août 1952. Trois garçons naîtront : Martin en 1953, François en 1954 et, pour clore, Daniel en 1957.
* Gaston Lebarbé a écrit deux récits autobiographiques. Face à la vie, publié en 2011, raconte, parmi d’autres souvenirs, sa rencontre avec Marcelle et leur vie commune durant plus de soixante années. Dans un premier volume, paru en 2002, Ar sonj, l’auteur dépeint son enfance dans la Bretagne d’avant la guerre, la guerre vue par un adolescent et les doutes d’un jeune homme que sa famille destine à la prêtrise.
Mère et épouse, s’occupant de sa marmaille, Marcelle l’artiste n’a pas perdu sa sensibilité et son besoin de créer. Ce sera, pour ses enfants, bricolages et dessins, décorant murs et vêtements. Et, pour la sensibilité, un univers de chansons de France et d’ici diffusées par l’appareil accroché au mur de la cuisine. Toujours à la radio de Radio-Canada où Gaston travaille. Ce sont les années soixante et soixante-dix, années de grandes chansons aux textes riches. (Entre autres, l’œuvre de Gilles Vigneault, qui est, disons-le, un réel fantasme textuel pour Marcelle.)
Alors, même si c’est sans musique, lorsqu’il y a surplus d’émotion, spleen, maladie, adolescents déprimants, rêves d’un ailleurs... le crayon dessine des mots sur les feuilles, les faisant chanter. Des mots pour soi et non pour les autres. Des mots pour guérir.
Puis viendront d’autres choses à dire, d’autres mots, d’autres raisons d’écrire, sans drame, des mots dessinant des images. Enfin, s’offrira la possibilité pour Marcelle d’aider avec ses mots, de les partager avec des jeunes de maintenant...
Par Gérard Gautier
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