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Nous grandissons car ne sommes pas sages :
C’est notre punition du ciel ; d’un ciel
Où les moutons deviennent des nuages
Et le berger cesse d’être un soleil.
Nos coqs d’église, aux ailes déplumées,
N’ont plus cet air de couver leur trésor
Et, sans leur tire-bouchon de fumée,
C’est nos maisons qui n’ont plus de ressort.
Nos fiancées n’ont plus des cheveux d’encre,
Nos ciels ne sont plus ceux des jours fériés ;
Pour que nos bateaux puissent lever l’encre,
Nos arbres morts ne savent plus prier,
Sur les portraits de roi, les mains de cire
N’ont plus de fleurs à la place des doigts
Et. nos dessins ne savent plus nous dire
« Dans ces forêts, il était une fois,
Vers la fontaine une certaine fée
Qui venait changer, au petit matin,
En fils d’argent les toiles d’araignées
Et les enfants pas sages en pantins ! »
La cour n’a plus ses quatre coins de rêve,
La prison ses grilles de liberté,
Le tilleul à bonbons s’est mis en grève,
L’hiver a pris les chances de l’été,
Nous grandissons lors que ne sommes sages ;
C’est notre punition du ciel ; un ciel
Où les passions déchaînent des orages ;
Où les avions jouent les Pères Noëls ;
Où la guerre cesse d’être petite,
Où les morts ne sont plus « pas pour de vrai »,
Où paroles en l’air, phrases sans suite,
Sont des jeux dont les hommes font les frais.
O, joies d’enfants, fictions, métamorphoses
Merveilleux tours, mille fois réussis ;
S’il en restait seulement quelque chose
Nos coeurs seraient moins durs… oui, mais avec des si…
Nous grandissons car « nous sommes pas sages »
C’est notre punition du ciel ; un ciel
Où les malheurs s’inscrivent en images,
Dont les fusées fusillent le soleil.
©Louis Delorme
Extrait du recueil « La Criée – Les Vagissements » de 1974. Recueil imprimé et gravé par l’Auteur sur sa presse artisanale.
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