Il s'est échappé. Oui, mon mot d'amour : échappé !
Je l'avais pourtant peaufiné, caressé, cajolé. Entre deux fièvres, il s'était blotti dans ma paume. Tel un chiot nouveau-né, il humait mes lignes de vie, devinant celle qu'il allait suivre, malgré quelques arborescences.
Dans le brouhaha de mes doigts qui pianotaient leurs phrases, il s'est fait la belle, clopinant sans doute vers quelques lettres que je n'ai pas écrites, sur un billet déchiré à la volée ou sur l'écran d'un portable jamais allumé.
Les mots d'amour sont des êtres bien étranges. Je crois que le mien n'avait pas encore les yeux ouverts...
Il était tout rose, potelé à souhait, trop bien nourri, sans doute. Aux mamelles du rêve où se concentrent les étoiles, les anneaux des planètes pour de vives fiançailles.
Un mot d'amour tout seul, perdu dans les jungles urbaines : ce n'est pas raisonnable. Si vous le trouvez, frigorifié au coin d'un square ou sous le linteau d'un porche, parlez-lui tout doucement. Racontez-lui mes paupières qui ne cessent de cligner à sa recherche, mes lèvres entrouvertes, mes bras en déshérence. Rassurez-le un peu, beaucoup, et surtout, surtout, passionnément. Dites-lui que les arborescences de ma paume ne sont que des dessins post-modernes commis par un gaillard qui se voulait artiste. Et qu'en fait, il n'y a qu'une seule ligne de vie à suivre...
Les mots d'amour sont des petites choses, susceptibles parfois. Le mien avait un domicile fixe, niché au creux de ma main.
©Claude Luezior
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