Éditions les Poètes français, 151 p., Paris, 2021
ISBN : 978-2-84529-313-7
Imaginez l'atelier de Botticelli à la Renaissance, avant Savonarole, Jean Calvin et l'ère victorienne : célébration de l'éternel féminin qui faisait penser aux temps antiques, à la villa des Mystères de Pompéi, à un Orient fantasmatique... Imaginez, bien plus tard, l'amour courtois dans toute sa noblesse et, de manière plus contemporaine, relisez les poèmes d'Apollinaire, d'Aragon, d'Eluard. Imaginez un artiste non figuratif mais qui peint les mots de la tendresse sur papier de Chine. Peut-être rencontrerez-vous Michel Bénard, écrivain bien connu au-delà de Reims et de Paris, lauréat de l'Académie française, funambule des arts, lui-même tout à la fois peintre et poète, dont la plume de soie nous révèle ici ses foisonnements célébrant l'amour...
Ce recueil, une véritable somme, porte en tête un titre énigmatique et luxuriant : Les caresses du ciel. La relation est mutuelle, assumée, avec une dimension venue d'un ailleurs. La première de couverture ? Un tableau d'Alain Bonnefoit, suivi, dans les entrailles du livre, par une dizaine de toiles d'autres artistes, le tout, en quadrichromie. Une préface, signée par Jean-Pierre Paulhac, souligne l'élévation du corps et de l'âme dans les poèmes qui vont suivre, sans paillardise ni voyeurisme, mais qui tendent à un couronnement affectif.
Venons-en aux textes. Au-delà de la volupté, trois axes me semblent s'imposer : l'amour lui-même, le rayonnement pictural de la poésie et sa portée dans l'au-delà.
L'attachement (dans le sens d'Agapé) préside aux propos :
Un soleil de nacre
Réchauffe les secrets de lecture
Des poèmes intimes
D'une énigmatique
Fileuse d'amour
Masquée par un contre-jour
Mais Raphaël est passé par là, avec la carnation de ses femmes aux courbes sublimes, le regard de ses madones, la douceur potelée de ses cupidons. Une dimension esthétique est omniprésente chez Michel Bénard qui est avant tout visuel :
Au cœur d'un rêve je fixe
La flamme d'une étoile,
Qui laisse soudain naître
Le sourire de votre visage.
Me voici alors plongé dans l'extase
Ineffable d'un instant émerveillé
Sans cesse, l'écriture tend vers un Plus Beau, vers un Plus Haut , avec une perspective quasi-mystique :
Princière, te voici debout
Telle une icône divine
Transmettant à l'homme
Le mystère de la création
Ainsi, tous les feux porteurs / des couleurs de l'amour se fertilisent mutuellement grâce à ces trois dimensions qui nous enchantent de manière pérenne.
Sans doute Michel Bénard est-il un magicien ou plutôt un humaniste de la Renaissance, tout à la fois sensuel et subtil, en son atelier du verbe et de la couleur.
Claude Luezior