Janvier s’en est allé
Février frappe aux volets
Laissez moi vous offrir ce bouquet
Un ciel en exil aux nuages fuyants m’invite à tourner la page du calendrier.
La Seine a mis son manteau aux boutons de givre.
Elle déploie son ruban céladon, saluant square Viviani le robinier, vénérable de plus de quatre siècles. Il ouvre ses bras nus pour accueillir la fée des neiges.
Vêtu de frimas, le Petit Pont tend son regard vers le prophète :
Chemin perdu sur l’horizon des attentes
Nuit glacée, voix égarée
Buisson brûlé
Chimères aux arbres effeuillés
Tandis que les corneilles fuient au vent de l’oubli, l’espérance renaît au Pont au Double. ans un ciel blanc de neige se lève une main :
Main muette et transparente
Main lasse à la dérive
Main de maraude
Main de tendresse
Main d’offrande
Main de justice
Mains jointes devant les vingt-huit statues des rois de Juda et d’Israël
Mains ouvertes vers la grande rosace où demeure l’écho de la flèche
Le Pont de l’Archevêché conduit au square Jean XXIII drapé de sa toge d’ivoire. ans son dépouillement, l’hiver dévoile le chevet de Notre-Dame.
Cette hardiesse du Moyen Age nous offre la joie d’être, de comprendre ce que l’homme a crée de plus beau pour n’être jamais seul.
Comment quitter ce lieu magique ?
Un vent de neige plisse la Seine jusqu’au Pont Saint-Louis où convergent mille influences.
L’Île de la Cité et l’Île Saint-Louis livrent leurs âmes.
Au Pont au Change la Seine porte l’empreinte des passions. ’une rive à l’autre son chant s’élargit jusqu’à la houppelande des bouquinistes.
L’heure de vérité sonne Quai de l’Horloge. e glaive et la balance trouvent un point d’équilibre et rendent leur verdict :
Justice retrouvée
Neige sur l’arbre de Mai
Sous les douze arches du Pont Neuf résonnent les voix de Marquet et de Signac.
Parée de ses plus beaux atours, la Déesse Sequana déroule ses songes le long des berges enneigées de la Seine :
à Lutèce
sur le pilier des Nautes
la Seine se métamorphose
en blanche aigrette amoureuse
Mes pas crissent sur la neige poudreuse quand s’ouvre la place Dauphine.
Sous la valse des flocons, j’entre au numéro 14.
Près de l’âtre, une Muse écoute Jean Ferrat :
« Quand l’hiver a pris sa besace
Que tout s’endort et tout se glace
Dans mon jardin abandonné
Quand les jours soudain rapetissent
Que les fantômes envahissent
La solitude des allées
Quand la burle secoue les portes
En balayant les feuilles mortes
Aux quatre coins de la vallée
Un grillon dans ma cheminée
Un grillon se met à chanter
… »
©Roland Souchon
www.rolandsouchon.com
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