19 septembre 2020
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La sueur, pour le pain des autres,
Lui dégouline sur le front :
C’est son auréole d’apôtre
A ce mitron !
On dirait que ce sont des anges,
Ces visages enfarinés,
Les pains qui dorment dans leurs langes
De nouveau-nés !
Un petit enfant qui rêvasse
Se frotte les yeux pour mieux voir
Et comprendre ce qui se passe
Dans ce trou noir !
Je le revois, ce petit drôle,
Tout fraîchement tombé du lit,
Avec le chat sur ses épaules
Qui s’assoupit !
Juché sur un sac de farine,
Encore tout paf de sommeil,
La figure qui s’illumine
En plein soleil !
Il trouve la chaleur bien douce
Et les rêves si sautillants ;
Si ténue l’ombre qu’éclaboussent
Les flammes aux regards brillants.
La mouche dort, la fournée lève
Et l’on manque de s’assoupir :
Sur un pain une bulle crève
Comme un soupir !
Heureusement que les bruits veillent
Et que la vapeur dit son mot ;
Les parfums comme des abeilles
Réagissent fortissimo !
Un sourire, cela vous ôte
Tant de fatigue et de douleur
Et la vieille horloge qui trotte
Donne sa fièvre à notre cœur.
L’aiguille au devoir nous rappelle,
Ignorant les belles raisons
Qui nous emportaient sur leurs ailes
Vers d’autres horizons !
C’est le troupeau de pains qui bêle
Pour sortir de la bergerie ;
Le boulanger saisit la pelle
Et calme leurs effronteries.
Des pas se coulent dans la rue,
Le jour vient cogner au carreau
Et clame à l’ouvrier qui sue
Quatre fois plus de sang que d’eau :
Ne sais-tu pas que la misère
Est au seuil de ton paradis
Et qu’un peu partout sur la terre
Le pain manque dans les taudis ?
Ne vois-tu pas ces pauvres gosses
Que la faim tiraille et raidit ?
A cent mille lieues de la Beauce,
On vient d’assassiner Gandhi !
©Louis Delorme
Extrait du recueil « La Criée – Les Vagissements » de 1974. Recueil imprimé et gravé par l’Auteur sur sa presse artisanale.
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