Aux contreforts de l’aube, le jour s’offrait, vibrant d’air vif.
Des assauts de bleu pervenche saluaient ce jour de printemps.
Epicentre des songes, mars envoyait ses messages brodés de tendresse.
Seul un chapeau de brume coiffait les Hautes-Chaumes du Forez quand il prit le chemin de Grandval.
Alors que s’éloignait l’écho des cimes, haies et taillis commençaient à résonner de joutes intimes.
Les replis hercyniens de cette terre d’andésite le comblaient de joie.
Plein d’allégresse, il allait d’éminences en vallons.
En ces lieux, il repensait souvent aux yeux pers de sa mère qui avaient bercé son enfance.
Près de la croix de granite s’allumait la première jonquille.
Midi sonnait au clocher de Grandval.
Il décidait de faire une halte au village de Sabatier pour saluer une amie, bergère sentimentale connaissant toutes les fleurs du chemin.
Heureuse de le retrouver, elle lui proposa de partager son déjeuner.
Ils se régalèrent d’une salade de pissenlits aux lardons et aux œufs mollets ; une pâte de coing sur deux madeleines avec une verveine du Velay vinrent fleurir le balcon secret de leurs retrouvailles.
En la serrant très fort, il prit congé de Fanny et de sa beauté de Madone renaissance.
L’heure était au retour par le chemin de L’épinat.
Il obliquait sur un sentier à travers bois menant à la ferme de la Grange Neuve.
Près du ruisseau, il décidait une halte pour accueillir le printemps dans ce berceau de verdure, loin de toute civilisation.
Un pré humide hérissé de joncs luisait de toutes parts à l’appel du renouveau quand il aperçut un œil de perle.
Il resta immobile pour contempler ce bel échassier au gagnage avec son long bec flexible, deux fois plus long que sa tête gris fauve cendré rayée de quatre bandes sépia.
Migratrices, les bécasses seraient, aux dires des chasseurs, arrivées dans la semaine avec le vent du Sud par une nuit claire de pleine lune.
Aux bout de ses ailes, en avant des rémiges primaires, la bécasse possède deux petites plumes rigides dites « plumes du peintre », considérées comme un trophée, parfois offert par un chasseur en signe d’une amitié profonde.
A la faveur d’une bouffée de ciel, la bécasse s’enleva à grand fracas en une montée en chandelle jusqu’à la cime des sapins, puis, après un vol rasant horizontal, elle effectua, en coups d’ailes capricieux, des arabesques déroutantes terminées par un atterrissage en piqué dans une clairière.
L’émotion était à son comble.
Il imagina la bécasse en une pariade sur un layon forestier à l’heure de la croule.
Le soleil qui déclinait lui indiqua un chemin pentu qui le conduisit au village de Saint-Amant-Roche-Savine.
Une muse l’attendait dans sa maison habillée de lierre et de chants d’oiseaux.
©Roland Souchon
vendredi 20 mars 2020
Voir en fin de page d'accueil du blog, la protection des droits