(Claude Luezior, éditions La Bartavelle)
Un chant à l’amour, ses vicissitudes, ses doutes, puis son triomphe final.
Après un chemin d’éloignement, de solitude – et peut-être de rupture –, l’amour retrouvé en la chair et l’esprit « Je crois aux retrouvailles/après l’errance de l’écho/et les râles blessés/des renards en solitude. » « Toucher le calice/pour que nos bouches/à l’orée des fusions/aient ensemble/le goût du sacré. »
Une ode à l’amour charnel et à la femme aimée, avec de très belles évocations aux accents baudelairiens : « Je bois ton regard/ magnétique/Je bois tes yeux/ d’ébène/… » ; « De tes dunes/ instinctives/s’évaporent/ des opalescences/ d’aube. » « Charnus oratoires/où l’ordonnance/ des prières/est survivance/d’une déesse/ profane. »
Mais l’amour n’est pas seul, il y a la poésie, et « vivre en poètes » est suspect en ce monde, aussi le poème interroge : combien sommes-nous à partager cet état ? Cent-mille, mille, ou se résume-t-il « à deux » ?
En l’amour retrouvé, le pacte d’alliance se veut renouvellement, dépassement des errements anciens, de la vie morne et sans surprise de la vie ordinaire, et apaisement des blessures infligées par les petitesses : « Ensemble nous voudrons/effacer lentement/la forge des volcans/qui dévorent leurs fidèles/l’immuable quadrillage des routes déjà tracées/et l’infinie morsure des gens en petitude. »
L’image du berger et de la bergerie est récurrente, lampe christique recourbée en l’immanence maritale : « Etre le berger un jour/d’une femme/et de ses enfants. »
Outre les extraits mentionnés précédemment, j’ai particulièrement apprécié – parmi d’autres – ces belles formulations : « Elle efface d’un geste fruité/les rides à mon front/où pulse le désir. », « Que l’on soit poète/troubadour de l’ocre/ou chercheur de lumière/… », « Là unique/et nécessaire/à la frange/de mes argiles/… », et ce magnifique : « Au fond des bergeries/frissonne/le poumon bleu/du silence . »
Superbes – et non dépourvus d’une pointe d’humour et d’autodérision – les titres des chapitres, notamment : « Peut-être n’était-il que le berger de fragiles armatures », « Les herbes longues boursouflaient le crépuscule de chuchotements », « Au bout du chemin était la pierre sacrée ».
Une langue sobre, épurée et à hauteur d’entendement, qui ne recherche ni l’effet ni l’artifice. Des images maîtrisées qui jamais ne brouillent les cartes ni ne noient le sens. Une poésie de Luezior qui fait le choix de la sincérité et du partage avec la communauté des hommes.
François Folscheid
2018
PS : ce recueil a été honoré par le Prix de poésie Maïse Ploquin-Caunan de l'Académie française en 2001, des mains de son Secrétaire perpétuel, madame Hélène Carrère d'Encausse