25 août 2018
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Veinée de nuit, la terre révèle ses brumes. La lumière, humide des ris de l’aube, rayonne. Et les prairies prisent aux brises du levant rougissent. Elles viennent, baptisées de la poussière des chemins, aux fontaines du matin se griser de rosée. L’air embaume, aromal, ourlé de fraîcheur. A l’unisson des premières clartés, du rose, du gris, les essences s’entremêlent, le monde reverdit.
Gorgé de prime pureté, le sous-bois, lentement, sort de sa nuit. Ici, à la croisée des sentiers, une croix survit. Elle s’éveille embuée du terne reflet des eaux mortes. Déjà‡, son ombre défigure le talus. Enchaînée à la roche de cette croix, elle rampe au long des déchirures de pierre. Flaque sinistre, elle s’épanche. Enflée du glauque des lichens, elle s’effondre. Là, sur le chemin, elle griffe la terre et s’étire difforme.
Les corbeaux au perchoir délabré vaticinent entre eux. Perdue, au lacis des bruyères, au pied du calvaire, gît une charogne. Dévoilant sa chair, à tous, l’impudique se donne. Ainsi, près du grand Christ meurtri, éruptive, elle s’épanouit. Au jour mortifié, les mouches s’étourdissent et les voici, sur l’inflorescence, posées en mélodieux rubans, velours de vert, de bleu, en arcs-en-ciel trépidants.
A l’ombre de la croix, ivres, elles tourbillonnent, ivres, elles s’affolent et sous l’hermine diaprée, la dépouille infestée devient festin d’éternité.
©Béatrice Pailler
Recueil Motifs
In Jadis un ailleurs L’Harmattan 2016
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