22 mars 2018
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Il était une fois un jeune garçon dont le visage était difforme, mais ce fut dans le regard des autres qu’il en prit conscience. Oh pas dans celui de ses parents qui n’étaient qu’amour, mais dans le regard des enfants de l’école. Et ce gamin, avec douleur, lut dans leurs yeux de la crainte et de la méchanceté. Les gosses, cruels, l’excluaient de leurs jeux et lui criaient : « Va-t’en, tu fais peur à tout le monde, tu es un sorcier doté de pouvoirs maléfiques. » Le pauvre petit ne comprenait pas. Etait-ce un crime d’être laid ? Chaque parole blessante était une épine qui entrait dans sa chair.
En grandissant, cette situation persista. Sa souffrance devint énorme, trop lourde à porter pour un jeune corps fragile. Le désespoir l’envahit peu à peu. Il se recroquevilla, rentra dans sa coquille puisque les autres lui refusaient en quelque sorte toute existence. Il aurait tant voulu leur expliquer qu’il avait un cœur comme tout le monde, un cœur qui ne demandait qu’à aimer et être aimé. Malheureusement, il n’avait jamais été très doué à l’oral, parler était pour lui chose difficile.
Et puis, un jour, en se réveillant, il eut l’intime conviction qu’il devrait sans tarder mettre un terme à son calvaire. D’abord, il lui fallait sortir de son trou et agir, c’est-à-dire décider de sa vie. Il puiserait dans les profondeurs de son être, le courage et la force nécessaires. Une idée lui vint, une idée apparemment loufoque, farfelue, mais c’était la sienne, elle avait germé dans son cerveau tel un brin d’herbe dans un désert. Cette drôle d’idée, la voici : il voulait aller au sommet de la Tour Eiffel, mais en utilisant les escaliers.
Une semaine plus tard, il se trouvait dans la salle d’accueil de la Tour, juste à l’heure de l’ouverture. Il posa avec beaucoup d’émotion, mais sans hésiter, le pied sur la première des 450 marches à gravir, comme s’il pressentait que cette ascension allait transformer sa vie. Au fur et à mesure qu’il montait, il lui sembla qu’il s’allégait comme s’il se dépouillait de ses souffrances, comme s’il abandonnait en chemin toutes les épines, les griffures, les coups qu’il avait reçus. Il éprouva une telle sensation de liberté que des larmes perlèrent dans ses yeux. Quand il arriva sur la plate-forme sommitale, le soleil se levait et poudrait de rose les toits de la capitale. C’était un spectacle éblouissant qui le bouleversa. Il reçut toute cette magnificence en plein visage. Dans cette magie solaire, il se sentait renaître et même, il se sentait devenir beau et il le devenait en réalité, d’une beauté au-delà des apparences. C’était un miracle, mais un miracle qu’il avait créé lui-même, avec sa chair, son sang, son cœur, sa volonté de vivre en plein jour, comme les autres. Soudain, il éclata de rire, d’un rire en cascade qui semblait ne jamais finir. C’était comme un retentissant hymne à la joie qu’il lançait au monde entier.
Quand les premiers touristes arrivèrent, ils ne virent, sur la plate-forme, qu’un jeune homme dont le visage était rayonnant de lumière…
©Michèle Freud
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