31 mars 2018
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Fardeau du jour, léthargie du soir, aux heures blanches serties des lueurs des cierges, les vestales au silence demeurent asservies. Les bûchers assagis s’enlisent, incendiant le pâle de leurs visages impassibles. Et dessous le métal des blessantes parures, les peaux s’animent de luisantes moirures. Icônes serviles d’ivoire blême, elles sont à l’image des idoles qu’elles vénèrent. Et parmi les vapeurs d’encens, sous les dais de soie, sur le brocart des divans luxueux, elles sommeillent dans la divine langueur d’une chair complice. Au brasillement des lumières, une aube feinte estampe la pierre. Dévouées captives, femelles recluses à vos côtés, se couchent les ombres. Unies en ces ténèbres que la beauté féconde, peaux soyeuses, pelages sombres dans l’attente se mêlent et se confondent. Sur les palanquins de leurs litières figées, face aux autels froids, elles reposent : luxurieuses figures de marbre lisse.
La nuit enlace la nue d’une étreinte où affleure le sang. Emmaillotées de ténèbres, les chandelles du temps une à une s’éteignent. Et dans l’obscurité naissante d’une nuit souveraine pour les Dieux arrogants, les cieux outragés saignent.
Voici que du sein nourricier des forêts, la Panthère s’éveille. Aux premiers rais de lune, elle quitte son gît ; goutte de naphte, sa robe supplante la nuit, sa queue fouette ses flancs. Elle flaire le gibier, le fumet du sang. Alors, elle feule, découvre ses crocs, mais dédaigne sa proie, car son désir d’humanité l’entraîne près des villages et des cités.
Sa voix hante les cieux, c’est le grand cri de la femelle en chasse. Alors, aux temples où la faim tourmente, les bouches, les gueules s’entrouvrent et aux pieds des autels, les poitrines fidèles s’émeuvent espérant en l’immense forêt.
©Béatrice Pailler
Revue Souffles « Bêtes et Bestioles »
N° 256-257 / 2017
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