20 janvier 2018
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Au gynécée, les belles désœuvrées reposent les sens engourdis et dans leur cage, portes closes, ne peuvent que rêver. Alors, secouant avec mollesse l’inertie de leurs corps assoupis, elles délaissent leur parure d’ennui et viennent au bain alléger le carcan de leur existence cloîtrée.
Dans l’intime pénombre, la voûte souveraine, faisant naître l’écho des torrents et des ruisseaux, se joue de l’insouciance des fontaines et du clapotis de l’eau. Sur les bassins captifs, éclosent lascives des volutes de brumes. Au bain, les belles, glorieux gisants de chair rougissante, immergées dans la tiédeur infuse s’abandonnent, nonchalantes. Là, dans la chaleur confuse, les regards se croisent et sur les corps lentement s’évaporent les heures. Alentour, des vasques de marbre et de porphyre, embuées de rosée, accueillent en la fraîcheur de leur sein une eau préservée. Et voici qu’une nuée de petites mains, dociles, puise ce nectar et le mène aux baigneuses avides de cette manne. L’onde servile embaume. Elle ruisselle sur le lys des peaux et, telle une étole, enlace leurs corps où pleure le nard des sueurs encloses.
Dans le bruissement sibyllin de l’eau, leurs chairs s’émeuvent, leurs âmes frissonnent et, dans l’attente, se cabrent. La moiteur des étuves, dans un tendre supplice, révèlent ou dissimulent complices, une gorge attirante, une cuisse luisante. Ainsi, devant l’esquisse d’un sourire, elles acquiescent. Au gynécée, les belles désœuvrées viennent au bain pour s’aimer.
©Béatrice Pailler
Recueil Motifs
In Jadis un ailleurs L’Harmattan 2016
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