28 octobre 2017
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Dans l’atelier, le vieux sofa des modèles gémit. Elles l’ont tant sollicité que les chevelures et les corps ont creusé son lit. Toile pieuse, les plis de la trame préservent la trace féconde. Et parmi les coussins et les étoffes, sur l’antique velours, se devine leurs empreintes mêlées. Dans la chaleur émolliente, le sofa assiégé sous la houle d’une hanche succombe. Et le voilà, vénérable complice rompu au plaisir, s’inclinant en courtisan pour une invite à plus de langueur et d’abandon.
Paisiblement, ses cheveux se dénouent. Confiante, elle ose et son peignoir se déprend de sa pudeur. Nue, elle s’enhardit, s’expose à l’inconnu.
Voyant au sein des ténèbres, l’homme ne sait rien de son modèle. Depuis toujours, ignorant des nudités éblouies, il cherche au travers des êtres son absolue de vérité. Aliéné à cet idéal, il scrute l’opale des peaux offertes, voulant connaître toutes les nuances de cette tendre palette. Aujourd’hui, sous ses yeux, la lumière sculpte l’inattendu. Impudique voile de Véronique, elle se pose, linceul lamellé, sur le sensible de cette chair où le soleil égrappe ses brillants.
Fleur de pavé épanouie au souffle païen, petite te voici parée de rouge et d’or. Hétaïre sensuelle, ta main effleure ton sexe : ce jeune fruit acidulé, prêt à cueillir, prêt à aimer.
©Béatrice Pailler
Recueil Motifs
In Jadis un ailleurs L’Harmattan 2016
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