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26 octobre 2017 4 26 /10 /octobre /2017 06:31
François de Montcorbier, dit François Villon

 

 

 

Ballade de bon conseil
Hommes faillis, privés de raison,
Dénaturés et frappés d'inconscience,
Qui avez perdu le sens, êtes remplis de déraison,
Fous abusés, pleins d'idées fausses,
Qui agissez contre votre naissance,
Vous soumettant à la détestable mort
Par lâcheté. Hélas ! pourquoi l'horrible
Conduite qui vous mène à la honte ne vous inspire-t-elle pas de remords ?
Vous voyez comment maints jeunes hommes sont morts
Pour avoir attaqué autrui et pris son bien.
 
Que chacun en soi voie sa faute ;
Ne nous vengeons pas, supportons en patience ;
Nous savons que ce monde est une prison
Pour les vertueux affranchis d'impatience ;
Aussi battre, rosser n'est pas preuve de sagesse
Ni ravir, voler, piller, tuer injustement.
Il ne se soucie pas de Dieu et se détourne de la vérité
Celui qui se livre en sa jeunesse à de telles actions,
Et, à la fin, il se tord les mains de douleur
Pour avoir attaqué autrui et pris son bien.
 
Tricher, flatter, rire en dupant,
Faire des quêtes, mentir, affirmer sans bonne foi,
Mystifier, tromper, préparer du poison,
Vivre dans le péché, dormir en se défiant
De son prochain sans avoir [nulle] confiance,
Quelle est la valeur de cela ?
Aussi je conclus : vers le bien faisons effort,
Reprenons courage, trouvons en Dieu réconfort ;
Nous n'avons pas un jour de la semaine assuré ;
Nos parents reçoivent le contrecoup des maux que nous encourons
Pour avoir attaqué autrui et pris son bien.
 
Vivons en paix, exterminons la discorde :
Jeunes et vieux, soyons tous en accord :
La loi [de Dieu] le veut, l'apôtre le rappelle
A bon droit dans l'Epître aux Romains ;
Il nous faut un rang, une situation ou un soutien.
Notons ces points : ne renonçons pas au vrai port
Pour avoir attaqué autrui et pris son bien.
   
François Villon, Poésies diverses, traduction d'Anne Berthelot

 

* * *

*

 
Le même poème de François Villon en ancien français écrit en 1462 à Paris
 
Ballade de bon conseil
 
Hommes faillis, bertaudés de raison,
Dénaturés et hors de connoissance,
Démis du sens, comblés de déraison,
Fous abusés, pleins de déconnoissance,
Qui procurez contre votre naissance,
Vous soumettant à détestable mort
Par lâcheté, las ! que ne vous remord
L'horribleté qui à honte vous mène ?
Voyez comment maint jeunes homs est mort
Par offenser et prendre autrui demaine.

Chacun en soi voie sa méprison,
Ne nous vengeons, prenons en patience ;
Nous connoissons que ce monde est prison
Aux vertueux franchis d'impatience ;
Battre, rouiller pour ce n'est pas science,
Tollir, ravir, piller, meurtrir à tort.
De Dieu ne chaut, trop de verté se tort
Qui en tels faits sa jeunesse démène,
Dont à la fin ses poings doloreux tord
Par offenser et prendre autrui demaine.

Que vaut piper, flatter, rire en traison,
Quêter, mentir, affirmer sans fiance,
Farcer, tromper, artifier poison,
Vivre en péché, dormir en défiance
De son prouchain sans avoir confiance ?
Pour ce conclus : de bien faisons effort,
Reprenons coeur, ayons en Dieu confort,
Nous n'avons jour certain en la semaine ;
De nos maux ont nos parents le ressort
Par offenser et prendre autrui demaine.

Vivons en paix, exterminons discord ;
Ieunes et vieux, soyons tous d'un accord :
La loi le veut, l'apôtre le ramène
Licitement en l'épître romaine ;
Ordre nous faut, état ou aucun port.
Notons ces points ; ne laissons le vrai port
Par offenser et prendre autrui demaine.
 
François Villon
 
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