9 février 2017
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« Le buveur d’absinthe », Viktor Oliva
« Faut que je vous dise, mon homme, il perd la boule, il a comme une écrevisse dans la tourte. Non seulement, il n’en fout pas la rame, mais très souvent, il est saoul comme une tique. Sa maxime préférée, je vais vous la cracher : « Dans le doute, absinthe-toi ! »
Et, à longueur de journées, mon homme, il s’absinthe…
Et qui est-ce qui fait bouillir la marmite ? C’est Mézigue ! Mais vu le peu de fric que je ramène, je suis toujours dans la dèche. Et quand ce pochard en déroute me refile quelques tunes, c’est de la roupie de sansonnet !
Comment ai-je pu l’avoir dans la peau, ce mec à la manque, avec ses petits yeux en trou de pipe, ses rouflaquettes poussives et ses rares plants de cresson sur le caillou ? Et ses gueulantes ? Parlons-en de ses gueulantes à réveiller les macchabées : elles m’aplatissent comme une punaise, me coupent la chique, me cauchemardent.
Je pourrais lui balancer : « Embaluchonne tout ton Saint Frusquin et débarrasse-moi le plancher. Tu n’es qu’un emplâtré, une chiffe, un empaillé. Je ne peux plus te voir en peinture et en plus tu me fous le bourdon. Je pourris aussi me tirer. Mais pour aller où ? Au paradouze ? Oui, c’est ça, au paradouze. Parfois c’est drôlement bon de se monter le bourrichon ou comme chantait ma petite mère poule : « C’est du nanan de se monter le vert en fleurs ! » C’est-y pas bien jacté, ça ? Mais il ne faut quand même pas trop halluciner. Je sens bien que toute ma carcasse bat de l’aile. Mais qui voudrait m’allonger toute une flopée d’achetoirs pour une grosse révision de toute la mécanique ?
Ah quelle chienne de vie, sans la moindre loupiote dans la ligne de mire !
Pour sûr qu’un jour, quand je serai trop dans la limonade, quand j’en aurai ma claque de cet arsouille toujours en rogne, je me ferai sauter le caisson, oui je le jure, je me ferai sauter le caisson…
Mais qu’est-ce que je raconte ? Je ne vais quand même pas me flinguer pour un mec ! Redresse-toi, la grande, prends un marteau et fracasse tes chaînes. Et maintenant, respire un bon coup. Respire le bon air de la liberté !
©Michèle Freud
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