2 décembre 2016
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Seize heures sonnent au clocher de l’église qui veille sur le cimetière d’un petit village de Provence. Comme chaque jour à la même heure, René, qui porte bien ses quatre-vingt-cinq ans, est assis sur le seuil de sa maison, une vieille bastide aux fenêtres enluminées de géraniums. Il traverse les années, avec l’intime conviction, que celle qui allait suivre serait encore meilleure. Surtout ne pas perdre une miette du pain de l’existence, ne rien gaspiller du temps offert ; quand la base du sablier s’alourdit de jour en jour, chaque grain de sable a son importance.
René éprouve un inexprimable bien être à rester assis dans la lumière mauve d’une glycine. Il a dans les mains une pomme, d’un jaune aussi éclatant que celui du soleil. Il la regarde avec gourmandise, caresse sa peau satinée. Ses papilles excitées, déjà s’émoustillent. Puis René prend son couteau , coupe le fruit en deux et c’est toujours avec le même plaisir qu’il découvre l’étoile à cinq branches qui apparaît telle une fleur, au centre de la pomme. Il mord alors goulûment dans la chair pulpeuse : un jus sucré et parfumé inonde son palais. Quelle jubilation, quelle jouissance ! Après cette dégustation revigorante, ce pur moment de bonheur, « l’homme au cœur d’or » va rendre visite à son ami Jean, à demi paralysé à la suite d’un accident de voiture. René mérite bien son surnom car il est toujours prêt à rendre service, à donner de son temps, à dire les paroles qui réconfortent, qui consolent, qui encouragent. Et quand une personne rumine des idées noires, il l’invite dans son antre, son jardin des merveilles, un espace de rêves ou brillent des centaines de pierres précieuses dont la beauté à elle seule est une thérapie car elles savent émouvoir nos yeux, nos sentiments et tant de choses se cachent parfois dans un caillou. C’est pour les personnes déprimées, une parenthèse magique où elles se sentent soudain plus légères comme si elles allaient s’envoler pour quelque voyage extraordinaire. Quand la douleur s’estompe, c’est comme une éclaircie, une embellie, c’est prendre une douche de lumière.
René est heureux dans sont village, petit coin de nature encore illuminé de silence et il sera heureux tant que ses jambes le porteront vers les autres, tant qu’il pourra semer de la joie autour de lui car, même à son âge, il ne veut pas se replier, il désire toujours déployer ses ailes pour mieux goûter à la vie tout simplement...
©Michèle Freud
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