22 novembre 2016
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ODE, Voyage en cosmogonie / Viaggio in cosmogonia, Préface/Prefazione Michel Bénard, Introduzione, traduzione e cura Mario Selvaggio, Roma, Edizioni Universitarie Romane, 2015, 142 p.
Artiste, poète et écrivaine québécoise, tout au long de ce recueil poétique, ODE (pseudonyme d’Odette Beaudry) accomplit un voyage au cœur de la Création du monde. Le titre – Voyage en Cosmogonie – révèle en effet que le fil rouge de tous les vers repose sur une quête existentielle figurée par une recherche finalisée à aboutir/découvrir l’origine du cosmos si ce n’est l’état-de-nature (cf. l’étymologie grecque « κοσμογονία »).
Au fil de ce voyage, le je-lyrique se situe à l’abord d’un Fleuve (associé au Saint Laurent, fleuve témoin de la barbarie humaine d’autrefois, laquelle malheureusement perdure dans le monde entier) qui en quelque sorte joue le rôle de lieu de la Création et d’espace de la quête initiatique, car il symbolise la source d’un univers en métamorphose, voire toujours in fieri (cf. panta rei). En coulant de manière ininterrompue, l’eau du fleuve relie figurativement le passé et le présent : c’est pourquoi le fleuve devient le dépositaire des valeurs ancestrales, des espoirs, des rêves, des mystères… qu’il emporte et garde dans ses méandres. L’un des éléments essentiels du cosmos, l’eau assume ainsi dans ces vers la connotation de liquide amniotique, de sève nourricière : elle favorise la création poétique au je-biographique et le voyage en Cosmogonie au je-lyrique, elle nourrit donc le « je » et lui permet de s’y plonger/baigner pour accomplir un parcours spirituel, onirique à la recherche non seulement de ses propres racines mais aussi de celles de l’Homme.
En s’interrogeant sur l’Homme et sur la nature humaine, notre poète remarque que nous sommes amour parce que nous venons de l’amour : « ce n’est que l’Amour qui est Lumière... » (p. 30). Par conséquent, il faut, suggère-t-elle, combattre la haine semée sur notre chemin par les humains eux-mêmes (esclaves de leur égoïsme mégalomane, incapables d’accepter leurs propres limites et avides de tout régenter) et retourner à l’amour, car c’est l’amour qui nous fait vivre et voyager…
En envisageant un échange je-tu autant charnel que spirituel, en attente d’Amour universel, autrement dit de Paix, notre poète représente la condition humaine à l’échelle cosmique pour mettre en relief que l’Homme est pris entre deux abîmes : l’infiniment grand et l’infiniment petit. Qu’est-ce que l’être humain dans l’éternité infinie ? L’homme, principal ennemi de lui-même, doit forcément (re)trouver le chemin de l’humanité pour empêcher le triomphe du mal et pour engendrer une société plus juste : « Le plus grand danger encore / est que l’humanité risque de mourir / avant même toutes les espèces vivantes / La Terre se vengera du mal infligé / Que chacun écrive dans le sang de ses veines / chaque mot que tu leur diras / Car ce sang s’écoulera en ruisseaux / en lacs, en rivières, en mers et océans / et séchera sur les rives des pays / s’ils font la sourde oreille / s’ils se rient de toi / Retourne, il est l’heure / la Clepsydre du Temps / se vide / Va, Poète / Va accomplir ta mission » (p. 112). Dans cette perspective, Voyage en cosmogonie présente une succession de portes à franchir [La porte rose, La porte blanche, La porte noire, La porte rouge, La porte bleue, La porte jaune-ocre, La porte verte] : chacune renvoyant à une contingence précise, voire à une étape particulière de la vie de l’homme, si ce n’est à une dimension distincte de l’âme humaine : « Il te faudra dépasser / la peur / et franchir / les Sept Portes / pour atteindre / le Jour Premier » (p. 44).
Empreints d’espoir, les vers contenus dans cet enthousiasmant ouvrage sont un hymne à la vie et à l’amour « La Vie est plus forte que la mort / Je garde Espoir / à la rencontre des Mondes / aideront tout lecteur à voyager » (p. 118). Ils prônent à ‘récupérer’ le ‘monde de l’enfance’ c’est-à-dire la dimension qui renvoie emblématiquement à un univers édénique, dépourvu de contrastes et modèle d’innocence. Et ils mettent en garde le lecteur contre le côté correspondant à la porte noire de l’âme humaine, car celle-ci, étant dévolue à la haine, cause des blessures difficiles à guérir. Aussi, par ce recueil, en ayant pour seule arme la Parole, ODE invite-t-elle à envisager un nouvel humanisme, plus incisif et plus intime : suggestion plus que jamais nécessaire de nos jours.
Transformation d’une forme de vie en une forme de langage et vice-versa (cf. Henri Meschonnic), tout poème est un tissage prodigieux de réflexions, intuitions, émotions, voix-voies qui traversent l’âme du lecteur et qui s’ouvrent sur l’à-venir.
Par sa rigoureuse traduction en italien, Mario Selvaggio a superbement pénétré le Verbe de cette poète et, de ce fait, il contribue et contribuera à la polyphonie de cet ouvrage et de la poésie odienne.
Marcella Leopizzi