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Un homme retraité laissait son regard glisser au fil de l’eau, le corps détendu, les pensées légères. Soudain, il eut cette curieuse impression que le temps s’était arrêté : la nature se figeait comme dans la Belle au bois dormant. Lui aussi se raidissait, devenait un automate dont on avait perdu la clef. Il lui fut impossible d’analyser cette situation inédite puisque son cerveau ne fonctionnait plus. La sonnerie du réveil le tira de ce cauchemar. Ouf ! Soulagé, il se leva mais ô stupeur, tous ses gestes étaient saccadés comme ceux d’un robot et petit à petit, son cerveau se mit en léthargie : rien ne vibrait plus dans son corps. L’homme était devenu une mécanique, un objet sans âme. Les tâches quotidiennes, il les accomplissait machinalement.
Or, contre le mur de sa maison, poussait un rosier que le vent avait semé, un petit rosier qui portait juste une rose à peine éclose, un amour de rose mousseuse aux pétales bouclés, auréolée d’une brume verte. Dressée vers le ciel, elle était comme une offrande au beau mois de septembre. L’homme ne l’avait jamais remarquée.
Mais un matin, alors qu’il allait passer devant, un bruit insolite écorchant les oreilles l’arrêta. En regardant autour de lui, ses yeux effleurèrent la rose jute au moment où un rayon de soleil pénétrait dans son cœur. Et la fleur, éclairée de l’intérieur, devint si transparente, si fascinante que l’homme s’immobilisa, émerveillé : la Beauté était en train de réveiller ses sources, de faire craquer ses racines, de déverrouiller ses rouages, tant que flottait dans l’air un parfum de renaissance. Soudain, une joie follingue, exubérante, sautillante, s’empara de l’homme qui se mit à crier : « Vous le soleil et vous les arbres, les oiseaux, les plantes, vous connaissez la nouvelle ? Je vibre à nouveau, j’éprouve des sensations, je revis, c’est merveilleux ! »
Et puis des paroles de gratitude s’échappèrent de ses lèvres et jetèrent dans l’azur toute une nuée d’oiseaux.
Désormais, ses jours allaient prendre de nouvelles couleurs et capter des chants nouveaux. Il se sentait même prêt pour explorer l’inaccessible…
©Michèle Freud
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