22 octobre 2016
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Quand devant mon grand-père, une flûte à la bouche
Debout, tempe battante au bout de ma candeur,
Il me disait Mozart qu’il connaissait par cœur…
Lors, il suivait ma lèvre hésitante et peu sûre,
Attentif mes efforts, en jaugeait la lecture ;
Puis noueuses ses mains, aidant mes jeunes doigts,
Fort précieusement en tirait leurs alois
Les modelant, subtil, quoique faibles encore,
A fermer tout à tour les trous du buis sonore.
Un gai petit putto, le port délicieux
Sur un guéridon proche et l’air facétieux,
Mimait mon enseignant simulant quelques notes,
Qu’il comptait, j’en suis sûr, de manières dévotes ;
Et quand enfin je sus enlever un refrain,
Déliré-je disant qu’il me tendit la main ?
Nous étions tous ensemble en quête de bonheur
Et nous flattant l’oreille et répétant par cœur,
Chaque note son mot pour étourdir notre âme !
Dans un rêve de nuit, agaçant mon calame
Je vis, éberlué, traversant le salon
L’angelot. Pour m’enjoindre : « Ecris, fils d’Apollon » !
Et par enchantement me venait l’écriture,
De ces paroles dont la mystique mouture
Ravit, puisque puisée au plus profond de soi.
Je les dis à l’aïeul, soulevé par l’émoi
Il notait chaque mot et non moins chaque phrase,
Alchimique nectar dont la coupe était rase.
Ainsi ce qu’un vieil homme fondait pour l’avenir,
Léguait à son enfant autre qu’un souvenir :
Une sorte de pacte où Sa Flûte Enchantée,
M’en servait la légende en tous points racontée.
Grand-père disparu, je ne fus jamais seul,
Notre commun livret récusant son linceul.
Ainsi, note après note à l’envi le mystère
Redira, soins jaloux, tout cet alphabétaire
De séjours délicats libres de tout souci,
Dont le seul mot de passe ouvre encor sur « Merci » !
Je voulais notre opus pour le moins prophétique,
Que demeurât de nous l’honneur d’un viatique :
Et qu’un passant suggère un arc et ses lauriers…
Qu’il en orne la crypte où dorment nos cahiers.
©Claude Gauthier
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