16 avril 2016
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Musique littéraire, musique des mots libérés, scandés qui volent de nos bouches vers nos cœurs. Haleines douces des souffles courts, respirations fortes des sensations, ainsi nos âmes nourries aux rythmes des mots s’enivrent d’émotions. La musique nous porte, les mots s’ancrent à fleur de peau et les songes prennent corps.
Sonne l’heure, sonne minuit, au monastère, la cloche dévouée tinte alanguie. La sonnaille lointaine, jeune encore, voyage, épouse le vent. Et dans la mouvance des cieux, elle chevauche ses épaules de géant. Parfois, parmi la grisaille d’une lune claire, se profilent, égarés en de terribles forêts, quelques austères châteaux ou demeures ancestrales. Alors, traversant l’obscure feuillée, tous deux s’enroulent aux corps des tourelles. Ici, au poli des fenêtres, sous l’aile monacale des noctuelles grises, lassés, ils se posent aux balcons vieillis.
Sonne l’heure, sonne minuit, la croisée s’illuminant du scintillant des couronnes cristallines, chante la fête et ses gaîtés. Ici, dessous les clartés noctambules des lustres, la rumeur du bal se nourrit de frénésie. Dans l’enfilade des salons envoûtés, les notes orchestrées déambulent, volages. Loin des parquets miroirs, ces rubans enchantés errent en féerie au milieu des candélabres étoilés et des pilastres florissants. La lumière palpable, cette fièvre aux cols des fleurs enflammées, ruisselle des bronzes. En contrepoint à la fournaise, un semis, de trépieds, sillonne les allées. Entrelacs végétal de fer, ils portent, en leurs branches torsadées, des rafraîchissoirs où les mouchoirs naufragés se mouillent, parfumés. Toiles papillonnantes, ils vont palpitants aux tempes roses, s’imprégner du nectar des sueurs écloses.
Minuit sonné, l’heure n’est plus et parmi les chandelles et les buissons de bougies, au détour des vasques de verdure, dans un chassé-croisé de silhouettes, la fête fantôme s’épuise. Ici, aux sources de jadis, la valse roule sa vague et aux bras cavaliers de mannequins empesés s’envolent des marionnettes en chemise de céruse. Hier, les enchaîne et la nuit les entraîne. Au fil du temps, les corps dansants, ici, au son des musiques anciennes, se prennent et déprennent. Mais au matin, le carrousel exténué des faces pâlies, dépérit. Incendié, dans la clémence d’une aube naissante, il s’évanouit, en tourbillonnant, nu, aux seins des brumes avenantes.
©Béatrice Pailler 2015
Texte édité par la revue en ligne Levure Littéraire
Dans son N°11 « Musique de la Littérature/Littérature de la Musique »
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