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18 décembre 2015 5 18 /12 /décembre /2015 07:39
« Il fait un temps de tournesol » de Jeannine Dion-Guérin – Recension de Michel Bénard
 
 
Jeannine Dion-Guérin» « Il fait un temps de tournesol »  Edition Editinter – Poésie – 2015.
Préface Michel Bénard. Illustrations photographiques Dominique Goutal-Guérin & Michèle Lacker. Format 14x21. Nombre de pages 142.                                                            
 
La poésie de Jeannine Dion-Guérin s’est toujours voulue une poésie de communion, d’observation, d’attention, ne visant qu’un essentiel épuré. Les images y vibrent toujours sur le juste jeu des mots.
Notre poétesse se fait véritable «  maître » de ballet en poésie, la nature s’offre à elle, la vie exulte de toute part telle une véritable chorégraphie.
Par magie, l’environnement se transforme en lac nocturne, en coffret de pierreries. De petits textes se révèlent être de véritables joyaux, des esquisses délicates et épurées qui pourraient rappeler quelques traits évocateurs et puissants d’un Vincent Van Gogh en filigrane, mais omniprésent.
 
« Nous voici communiant
   à l’inspiration renouvelée
   du solitaire Vincent »
 
« Le couchant croasse
  dans le raclement de gorge
  d’un corbeau acariâtre »
 
Jeannine Dion-Guérin ne perd jamais de vue l’acte essentiel de la poésie, qui est de donner aux mots leurs places précises sur la partition du Verbe, d’éveiller la beauté et l’étonnement.
Elle prend conscience d’évoquer le peu de temps qu’il reste à la terre épuisée par l’avidité ignorante de l’homme à anéantir son propre jardin. Néanmoins confiante elle continue à semer ses poèmes tels des graines sur les terres en jachères.
Parfois il arrive à notre poétesse de  s’acoquiner avec malice, se qu’elle fait d’ailleurs de bien noble manière et avec le sourire innocent d’une jouvencelle.
Nous avons ce sentiment d’effacement du temps, de respirer des odeurs de salpêtre des vieilles pierres, de humer la terre des labours.
 
« Laissez-moi deviner
   l’odeur de ma propre terre
 
    quand vous l’aurez retournée… »
 
De la nature, Jeannine Dion-Guérin puise sa plus grande leçon de vie car de la magnificence à déliquescence  la distance est tenue.
Par le souvenir de ce qui fût nous sommes vite plongés dans ce qui est, le plus préoccupant étant ce qui sera !
Anticiper l’approche de la mort par la dérision, en faire un jeu, un défit :
 
«  Je meurs un peu, beaucoup, à la folie…
 
   mais je me plais de mon vase étroit
  à plus que vous défier le temps ! »
« Le tournesol fané au cœur
  S’est-il posé la question ? 
 
La vie, la mort, pile ou face, mais où est notre place ? Tout se fond, se mêle, s’entremêle, torpeur, catalepsie, métaphores, dénuement, passion, tout transcende, oui, allez donc savoir où est notre vraie place ?
 
Certaines fois, nous sommes conduits à songer que notre amie n’écrit pas ses poèmes mais qu’elle les peint.
 
« Peindre oui, mais avec des mots. »
 
« Ainsi s’affiche le tableau… »
 
Notre poétesse ressent le besoin de se marginaliser, d’essaimer  hors du rang comme une graine qui se conjugue à l’énigme de l’univers, qui interroge sans cesse le mystère de la destinée avant d’offrir la promesse de son fruit.
Musique végétale, chant minéral, symphonie des hirondelles, senteur de terre, couleurs, brillance, devenir, la fusion est ici absolue.
L’exemple nous viendrait-il des oiseaux migrateurs, qui parviennent toujours à destination malgré les vents contraires.
 
« Nous perdons le cap
    de notre ultime destination… »
 
Même les grands arbres nus se révoltent !
 
« …/…cime dépouillée, du poing
   tendu invectivant les nues. »
   
Ce sont la nature, l’arbre, le tournesol, le blé qui s’enracinent au cœur même de l’œuvre de Jeannine Dion-Guérin, allant jusqu’à la plus harmonieuse communion, avec cette pointe d’amer regret de voir l’homme anéantir impunément cette merveilleuse nature dont il dépend.
 
« …/…sais-tu au moins,
  que l’homme en bleu
  et la machine à ses pieds
 
 ne sont là que
 pour signer ta disparition
bel et bien programmée ? »
 
 Sorte de destruction sinistre et sournoise de tout ce qui est censé représenter la vie !   
L’écriture chez cette dernière est audacieuse, car depuis longtemps elle a rompu avec la métrique traditionnelle, afin de mieux s’exprimer en toute liberté, en se délestant de la rime, de la ponctuation, parfois même de la majuscule, afin de ne conserver que la sublimation de l’image et le rythme musical.
 
« Des hirondelles musiciennes
   entonnent une partition d’ailes
   sur la portée des vents
 
   Eparses des notes s’ébrouent »
 
Disons, qu’elle fût à bonne  école avec des mentors tels que Guillevic et Pérec.
La pensée instinctive picturale est ancrée en Jeannine Dion-Guérin, c’est une omniprésence et comme le rappelait Pablo Picasso approximativement: « …/… il n’est pas nécessaire d’utiliser des couleurs pour réaliser un tableau, le seul agencement de mots peut très bien convenir…/… »
Indélébile lien entre l’humain et l’universel, la chair et la matière.
Le poète convie ici le peintre à son banquet, à s’élancer dans la farandole de la vie, la poésie lui dispense sa lumière.
Le peintre doit laisser sur sa toile son impression, en quoi le poète répond par une expression, comme ultime parcelle d’amour.
 
©Michel Bénard.
Lauréat de l’Académie française.
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commentaires

D
Merci pour cette "fine" recension de mon dernier livre sur votre site avec lequel je vais faire connaissance dès lors<br /> Joyeux Noël à tous les poètes et les non poètes d'ailleurs
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