26 avril 2015
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La rue est déserte, une porte rugit,
Le vide envoûtant des nuits de Bougie.
Nuits sans mouvements, sans bruit et où l’air
Mélange son parfum à l’iode de la mer.
On frôle distrait les verdures dans l’ombre
Et les rythmes digitales bourgeonnant de poésie
Epanouies de floraisons de senteurs sans bornes
Bougie ! Bougie ! Nuits d’été et frénésie
Le frisson des ramures que love l’alizé,
L’orgueil de l’ipomée pour l’abeille câlinée,
Le musc arrogant du galant de nuit,
La cigale qui craquette, la luciole qui luit.
S’entend la mélodie d’un rire velouté
D’une femme romantique et charmeuse.
Il pleut la mélancolie tombant du ciel voûté,
L’ambre et le benjoin sur la cité radieuse.
Piaffant et roucoulant près d’une porte close
Un amoureux transi qui piétine les roses
La femme s’esclaffe, chaste et puritaine
Vive et sensuelle sans être hautaine
Le chant tragique d’un luth s’atténue
Emportant vers le large la musique et le rythme
Il garde à l’horizon sur la mer et aux nues
La mémoire antique en des pics charnus
Le mouedden appelle et s’entend tout près,
Un passant se hâte, l’ombre décroît,
Une chatte, sans ombre, se retire assurée
La ville s’endort dans un rêve de soie.
On ferme les yeux pour mieux ressusciter :
- Datus le romain et Saldae du fond des âges[1]
- Nacer ibn Hamad dans la Casbah l’été
- les tribus fatimides campant sur la plage
Ibn Toumert venant de loin[2]
Pourchassait une jeunesse gaie
Qu’Ibn Khaldoun avec tant de soins
Préparait au combat contre Charles Quint[3]
Nul geste n’aurait ce soir arraché,
La corde du chalut au port amarré.
La lune traîne, ronde et assagie,
Hésite et s’arrête sur le golfe de Bougie.
Quand les poètes pour plaire à Bougie
Epelleront les vers sans savoir qu'aujourd'hui
Malgré le temps qui coule et les stances qui fuient
Ils auront aimé qu'on lise leur symphonie.
©Abderrahmane Zakad
Alger
[1] Sous le règne d’Adrien (117-138), le gouverneur de Saldae, Varius Clemens adressa un texte au gouverneur de la Maurétanie Césarienne, texte qui est gravé sur la stèle qui se trouve face à l’ancienne mairie : « Au nom de la cité splendide et de ses habitants, je te prie seigneur, d’engager le niveleur Nonius Datus, vétéran de la 3eme division Augusta, à venir à Saldae afin d’y terminer son œuvre ». L’œuvre consistait au tracé de l’aqueduc venant de Toudja.
[2] Ibn Toumert séjourna à Béjaia à partir de 1118. Pourchassé, il se réfugia à Mellala.
[3] En 1555, Salah Rais assiégea Bougie pour en chasser les troupes de Pédro de Navarre installées de puis 1509. En 1545, Charles Quint de passage à Bougie consolida les fortifications. Apparut alors la légende de Sidi Bou Djemline.